Naufrage

Biz, Éditions Leméac, Montréal, 2016, 132 pages.

Frédérick semble en tous points avoir une vie parfaite : il est fonctionnaire, nouvellement papa, marié à une femme souriante, propriétaire d’une belle demeure… Parfaite jusqu’à ce que les coupures le mutent aux Archives. Il n’a pas perdu son salaire et ses avantages, mais il a perdu une certaine part de dignité. Au salaire qu’il fait, il s’attend à travailler, à servir à quelque chose. Mais voilà que son nouveau patron ne se démène pas plus qu’il faut pour qu’il obtienne son code d’ordinateur et il l’envoie de personne en personne pour lui expliquer le travail qui l’attend (si travail il y a). À cet épisode succéderont d’autres drames qui le feront naufrager vers une vie loin d’être parfaite.

Ce roman m’a fait penser à celui de Fanny Britt, Les maisons. Pas pour le récit en lui-même, mais plutôt pour l’absence d’actions. Comme la protagoniste de Fanny Britt, Frédérick, le protagoniste de Biz, fait face à une réalité que pourrait vivre monsieur madame Tout le monde. C’est un récit simple, voire banal. J’ai par contre été emballée par le roman. Il n’est à mon avis pas toujours nécessaire de nous embarquer dans un enchainement d’actions pour que le récit soit intéressant. La banalité, le quotidien, c’est parfois ce qui manque dans les romans. Biz nous sert ici un personnage à la vie parfaite, mais morne, qui finira par perdre cette perfection contre son gré.

J’ai particulièrement aimé l’écriture de Biz. Des citations, j’en aurais surligné à la tonne. Il nous remet en pleine face certains éléments du quotidien avec une sincérité presque cruelle. Il nous – société – dépeint de manière juste. Cette hiérarchie au travail, ces gens payés à ne rien faire, ce silence devant cette inutilité, ce rassemblement de société devant une actualité qui incrimine n’importe qui. Biz nous rappelle que malgré notre liberté au Québec, malgré la démocratie, nous restons naïfs, nous gardons le silence devant certaines injustices et vivons encore dans une hiérarchie évidente. Malgré cela, je ne vois pas le roman comme une critique, mais plus comme un phare. Nous coulons tous un peu comme Frédérick. Nous sommes tous des naufragés.

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« Les filles, vous vous plaignez tout le temps que les gars font rien dans la maison, mais c’est parce que vous acceptez pas que les choses soient faites à notre manière. Vous exigez du romantisme, mais vous castrez toutes nos initiatives sous prétexte que les napkins matchent pas avec les chandelles. » (Naufrage, p.48)

2 Comments on “Naufrage”

  1. J’ai hésité avant de lire ce livre parce que j’en avais trop entendu parler à La librairie francophone, un peu comme si je n’avais plus de raison pour le lire. J’ai bien aimé. Il y a tellement d’éléments intéressants et vrais, comme les gérants d’estrade…

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