Regarder les coulisses se répandre

Christine Gosselin, éditions Hamac, 2023, 121 pages.
Esther est comédienne. Du moins, elle l’était, jusqu’à ce qu’elle le rencontre, qu’il devienne son bourreau et elle, sa victime. Depuis, elle le regarde des coulisses, elle est l’actrice d’une pièce dans laquelle elle n’a aucune emprise.
Avec la première de couverture très sombre, je m’attendais déjà à une histoire poignante. L’exiguïté de la pièce représentée, le rouge sang du rideau, on entre rapidement dans un environnement étouffant, violent. La relation entre Esther et son copain nous rend rapidement inconfortable.
Tout dans ce court roman participe à l’univers brutal qui emprisonne la narratrice. Le style du livre, séparé en actes et en scènes, va de pair avec l’omniprésence du champ lexical du théâtre, qui représente l’univers (au sens propre et au sens figuré) dans lequel gravitent les deux personnages. La manière dont Esther, la narratrice, décrit sa position, sa capture dans des personnages qu’elle n’a pas choisis, sa place sur une scène qui ne lui correspond pas, m’a semblé très habile. Tout concorde à nous transporter dans une pièce qui tourne à la fois lentement et rapidement, à nous cloisonner dans une salle suffocante.
« Tu scelles mes lèvres avec chaque baiser : bientôt je ne pourrai plus parler. Dans le rôle que tu me donnes, celui écrit juste pour moi, je suis aussi insignifiante qu’une note de bas de page. Je m’efface, tu me corriges. »
Regarder les coulisses se répandre, p.24
Bref, malgré la thématique brutale, ce roman est écrit d’une manière incroyable. C’est certainement une lecture qui ne laisse pas indemne!