Le langage inclusif chez les enseignant.es au Québec

Comme vous avez pu le constater, j’utilise déjà moi-même le langage inclusif autant sur ma page que lorsque j’enseigne. Cela dit, j’avais envie d’avoir un portrait de son utilisation chez les enseignant.es à travers le Québec. Je partage avec vous les résultats d’un sondage que j’ai réalisé. L’article est également ponctué de commentaires laissés dans le questionnaire. Mon but ici n’est pas de faire part de mon opinion personnelle, mais de dresser un portrait global à partir d’un sondage maison.
Portrait des répondant.es
- 148 enseignant.es ont répondu au sondage.
- 44 % des répondant.es ont de 25 à 35 ans, 46 % ont de 36 à 50 ans.
- 87 % s’identifient comme une femme, 11 %, comme un homme, 2 % comme non-binaire
- 67 % enseignent au secondaire, 28 % au primaire, 3 % au préscolaire, 2 % à la formation générale aux adultes. Aucune personne répondante n’enseigne au collégial ou à l’université.
Le langage inclusif, c’est quoi?
Tout d’abord, il est nécessaire d’avoir une définition commune de ce qu’est le langage inclusif. Selon les Nations Unies,
Par langage inclusif, on entend le fait de s’exprimer, à l’oral comme à l’écrit, d’une façon non-discriminante, quels que soient le sexe ou l’identité de genre de la personne dont on parle ou à qui l’on s’adresse, sans véhiculer de stéréotypes de genre.
Source
Chez les répondant.es au sondage, 58 % n’utilisent pas de langage inclusif, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. 50 % ne le font pas parce qu’ils ou elles trouvent cela mélangeant pour les élèves. Voici quelques commentaires en ce sens qui ont été laissés.
- Ça alourdit la langue, qui est déjà complexe.
- Il faut commencer par apprendre à gérer les pronoms ordinaires comme il faut.
- Ça complique la communication.
- Ça n’aide pas à la fluidité de l’enseignement des accords.
Je trouve incroyable que, pour une poignée de personnes, on vire le monde à l’envers. Faire des modifications dans la langue, c’est oui. Mais avant, je pense qu’on devrait se concentrer sur les « essentiels » du programme de français avant de commencer à vouloir révolutionner le monde avec des iel et des celleux.
34 % disent ne pas l’utiliser parce qu’ils ou elles ne savent pas le faire correctement. On fait notamment ressortir que ce n’est pas instinctif et que c’est encore embryonnaire comme langage. De plus, aucune consigne ministérielle n’a été donné à ce sujet. J’ajouterais même qu’aucune formation n’est donnée d’emblée au personnel enseignant. On soulève également qu’il serait intéressant d’avoir des outils pour répondre aux questionnements des parents et accompagner adéquatement les élèves.
85,5 % des personnes qui l’utilisent en classe ne l’enseignent toutefois pas à leurs élèves.
J’encouragerais et accompagnerais avec plaisir un élève qui souhaiterait apprendre à utiliser le langage inclusif. Cependant, mes élèves (clientèle vulnérable) ont trop de difficulté à faire des accords simples pour que j’ajoute cette option au cursus de mon cours. J’encouragerai l’utilisation de termes épicènes avant d’enseigner les néologismes en rapport avec le langage inclusif.
Je crois qu’il faut attendre un peu. Laisser aux gens le temps de l’apprivoiser dans le langage parlé. Je pense qu’un enseignant qui a un enfant non-binaire ou trans dans sa classe devrait recevoir une formation ainsi que ses élèves. Au primaire, c’est encore assez rare. L’implantation douce permettra aux gens de s’habituer.
Les stratégies de langage inclusif
Chez les personnes utilisant le langage inclusif, toustes ne le font pas de la même manière.
- 73,5 % utilisent des termes épicènes (le corps enseignant, le personnel de l’école…)
- 74,5 % féminisent tous les termes, par exemple en utilisant un doublon (enseignant.es)
- 24,5 % utilisent des néologismes (iel, celleux, toustes…)
C’est vraiment important d’être le plus inclusif et inclusive possible quand on enseigne ! Ça rend la classe un endroit sécuritaire pour toustes.
Un futur pour le langage inclusif?
J’ai proposé quelques énoncés afin de voir si le langage inclusif devrait prendre plus de place à l’école. Voici les résultats.
- 72 % considèrent qu’un.e élève qui utilise l’écriture inclusive ne devrait pas être pénalisé. Le même nombre de répondant.es croient que cette écriture devrait aussi être acceptée à l’examen ministériel de cinquième secondaire.
- 68 % croient que les enseignantes et les enseignants devraient recevoir une formation sur le langage inclusif alors que 54 % croient que les élèves aussi devraient en recevoir une.
Des problèmes sont soulevés par rapport au futur (ou à l’utilisation actuelle) du langage inclusif.
Tant qu’il n’y aura pas de changement dans la langue française… je ne vois pas l’utilité de l’enseigner et qu’ils puissent l’utiliser en situation d’écriture.
Le problème que je vois est pour les élèves avec difficultés qui utilisent des outils : les outils comme word q ne lisent pas les épicènes ! Donc, problème à ce niveau !
Bien que l’écriture inclusive est importante, à mon avis, il reste des aspects linguistiques à approfondir. Je crois que l’enseignement de la grammaire est déjà assez complexe pour les élèves, alors ajouter des règles de grammaire qui sont encore sous forme d’ébauche pourrait mélanger les élèves. J’attendrais donc que les règles d’écriture inclusive fassent partie de la norme avant de l’enseigner de façon formelle. Par contre, ça reste un sujet de discussion intéressant en classe de français!
Une idée intéressante a aussi été donnée :
Je fais voir qu’ une langue reflète une vision du monde propre à une culture donnée et que lorsque celle- ci change, nous avons besoin de nouveaux mots et je leur propose d’ inventer un pronom qui indique une personne qui ne s’ identifie ni homme, ni femme avant de leur présenter le iel et iels. Cet exercice permet de développer la conscience linguistique qui est un marqueur de maîtrise de la langue.
On peut d’ailleurs ajouter les pronoms Iel et Iels lorsqu’on enseigne la conjugaison. Ces derniers ne changent rien à la conjugaison, puisqu’ils s’ajoutent à des pronoms qui existent déjà.
Bref, plusieurs constats ont été soulevés, notamment la complexité déjà existante de la langue et le manque de ressources. Par exemple, chez les élèves en apprentissage de la langue (soit les élèves du primaire ou les élèves allophones ou anglophones), des enseignant.es croient que c’est une complexité de trop.
Le débat est loin d’être terminé!
Ressources pour l’utilisation du langage inclusif
Guide de grammaire neutre et inclusive