Conduire à sa perte

Jean-Nicolas Paul, éditions Tête première, 2024, 107 pages.
Alexandre a fui la scène en voiture. Chaque camion qu’il croise pourrait être une porte de sortie. Qu’a-t-il fait?
« Dans le temps de mes grands-parents, les rôles étaient prédéterminés : le gars fait ceci et la femme fait cela. Ma grand-mère n’en voulait pas à mon grand-père d’être obligée de laver la vaisselle, et mon grand-père ne reprochait pas à ma grand-mère de payer pour elle. Mais au 21e siècle, Julie et moi devons négocier pour savoir qui fait le ménage de la salle de bain et qui vide le lave-vaisselle et qui paye pour ceci et qui paye pour cela et ça n’en finit plus de négocier dans le couple, ça rend les choses horriblement compliquées. Surtout qu’elle est avocate, elle finit toujours par m’avoir.
(Conduire à sa perte, p.55) »
Oh là là! Je ne sais pas quoi penser de ce livre. C’est un pari audacieux qu’a pris la maison d’éditions en se lançant avec ce titre, particulièrement avec les nombreux féminicides qui font la une des journaux. J’ai ressenti un malaise pendant une grande partie de ma lecture.
On comprend rapidement, dès la première page du roman, que le narrateur a commis l’irréparable auprès de sa conjointe. On embarque alors dans un énorme monologue intérieur sur ses regrets, ses explications, ses tentatives de se convaincre (et de nous convaincre) que c’était légitime. En tant que femme qui lit les mots d’un homme laissant la parole à un homme responsable d’un féminicide, je dois admettre que c’est dérangeant.
L’histoire prend diverses tangentes quant à la relation entre Alexandre et sa conjointe. Notre vision de ces deux personnages change donc au fil de l’histoire selon le narrateur, puisqu’à la fin du récit, la parole est donnée à ladite conjointe. On peut alors comprendre qu’il y a toujours deux côtés à une médaille, que nos sentiments teintent bien souvent notre vision d’une même situation ou d’une même relation.
Cela dit, j’ai tout de même conclu ma lecture en me demandant si l’objectif de ce roman, qui était de faire une description phénoménologique (objective) de la violence conjugale, est réussi.