Partie 2: Posture et paradoxe

Sa posture

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Source de la photo: La Presse (photo prise pendant le tournage de TLMP 2007)

Si l’on étudie la posture de Nelly Arcan selon le modèle de Jérôme Meizoz avec les dimensions discursive et non discursive (1), on peut facilement se rendre compte de son ambiguïté. L’importance qu’elle accorde à son image lors d’entrevues télévisées, lors de séances photo ou lors de toute sortie en public semble discorder avec l’importance qu’elle accorde à un discours sérieux. L’auteure demande à ce que le propos soit porté sur son écriture, mais l’image qu’elle renvoie semble plutôt vouloir attirer l’attention du public et des journalistes. Dans son entrevue à Tout le monde en parle en 2007, Dany Turcotte n’a pas hésité à lui souligner : « Je suis certain qu’il y a plusieurs auditeurs qui consomment votre féminité présentement » (l’auteure portait à ce moment une robe noire décolletée). Chaque dimension de la posture de Nelly Arcan tente de tirer les projecteurs sur son côté. Pourtant, les deux sont contradictoires. Dans son discours, Nelly Arcan se plaint de l’attention et de l’importance que la société porte sur l’apparence. En revanche, sa « beauté plastique » (2) démontre qu’elle se laisse elle-même embarquer par cette vague de superficialité.

Le premier roman de Nelly Arcan est classé « Récit ». La narratrice est nommée selon le prénom de la sœur de l’auteure et s’exprime au « Je ». L’exemple de Houellebecq illustré par Meizoz laisse entendre que « l’option d’une posture littéraire interne à l’énonciation romanesque précède et commande alors, en quelque sorte, le comportement social de l’auteur (pseudonyme) en public… » (3) Dans son roman comme dans la réalité, Arcan critique le regard porté par les hommes sur les femmes ainsi que la pression mise par la société pour maintenir une belle apparence : « J’ai l’impression qu’on vit dans un monde de Big Brother où il y a toujours le regard qui finalement nous commande d’être toujours très belle » (Tout le monde en parle, 2007).  Toutefois, la dimension non discursive de sa posture vient à l’encontre de son discours en cherchant à attirer les regards. Bien que son propos semble vouloir servir à améliorer la situation, son comportement semble quant à lui influencé par la posture de son personnage lui-même soumis à cette dite situation.

Le paradoxe

On a souvent dit de Nelly Arcan qu’elle était un paradoxe. La posture présentée ci-haut l’illustre bien. Elle semblait « port[er] tel un fardeau les forces inconciliables du corps et de l’esprit, comme si quelque chose, chez elle, ne coïncidait pas. » (2) Les deux dimensions de sa posture se contredisent, et c’est entre autres ce qui semble créer un tel torrent médiatique autour de l’auteure. Le phénomène va jusqu’à influencer les lectures qu’on peut faire de son premier roman Putain – et de ses œuvres suivantes : « ses héroïnes, à bout de souffle, se débattent avec leur propre image. Toujours ce désir de plaire, cette obsession du corps, de la beauté, de la jeunesse éternelle, de la perfection. Toujours ce même cul-de-sac. Et, en même temps, ce refus d’être prisonnière des diktats. » (4) Au fond, c’est exactement ce que vit l’auteure elle-même. On reconnait facilement Nelly Arcan dans chacune de ses protagonistes et c’est peut-être ce qui mène la réception critique à se questionner autant sur la portée véridique de ses romans.

Bibliographie

(1) https://contextes.revues.org/4892

(2) LAROCHELLE, Claudia. Je veux une maison faite de sorties de secours : réflexions sur la vie et l’œuvre de Nelly Arcan, 1ère édition, Montréal, VLB éditeur, 2015, 236 pages.

(3) MEIZOZ, Jérôme, « ‘Postures’ d’auteur et poétique (Ajar, Rousseau, Céline, Houellebecq) », Vox-Poetica, [en ligne], http://www.voxpoetica.org/t/articles/meizoz.html (Page consultée le 4 avril  2016).

(4) LAURIN, Danielle, « Ni putain ni folle, juste brisée », Le Devoir, [En ligne], 26 septembre 2009, http://www.ledevoir.com/culture/livres/268828/nelly-arcan-1973-2009-ni-putain-ni-folle-juste-brisee (Page consultée le 25 février 2016).

 

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