Je lirai Treize raisons à vos ados et je ne suis pas désolée

Comme je leur lirai Eux de Patrick Isabelle, Ma vie ne sait pas nager d’Élaine Turgeon, Le sexy défi de Lou Lafleur de Sarah Lalonde, Trois carrés de chocolat de Mélodie Vachon-Boucher, L’enfant mascara de Simon Boulerice ou la Collection Tabou des Éditions de Mortagne.
J’ai déjà partagé avec vous mon avis sur la censure en littérature jeunesse. Je ne crois pas qu’en censurant les œuvres que nous faisons lire à l’école ou à la maison on règlera les problèmes, on éliminera l’intimidation, le suicide, le viol, les grossesses précoces, les ITSS, l’homosexualité, la transsexualité (parce que pour certains ces deux derniers sont un problème!)
La polémique autour de la série Thirteen Reasons why (Treize raisons), qui est tirée du roman du même titre, m’a beaucoup poussée à réfléchir et à discuter avec mon entourage. Je ne veux pas ici embarquer dans le débat autour de la série, mais bien ouvrir à nouveau le débat de la censure en littérature jeunesse (ou en littérature point!) Treize raisons n’est pas la première œuvre à présenter des images (écrites ou visuelles) qui pourraient avoir une influence négative sur nos adolescents ou qui leur présentent des solutions qui ne sont pas nécessairement optimales. Je pense notamment au film tout récent de Yan England, 1 :54, où le protagoniste prend le chemin de la violence et de la vengeance pour régler son problème d’intimidation. D’autres solutions s’offraient à lui : son enseignant et entraineur était de son côté et l’a laissé voir au spectateur tout au long du film. Pourtant, l’adolescent a choisi de passer à côté de cette solution. En avons-nous autant parlé? Même chose pour Eux de Patrick Isabelle (bien que le narrateur n’ait pas semblé soutenu par des adultes). Je pense aussi au très populaire roman Ma vie ne sait pas nager dans lequel on décrit clairement comment s’est suicidée la jeune fille et pourquoi elle en est venue à cette décision.
Est-ce qu’éviter de parler de suicide, d’homosexualité, de sexualité, d’intimidation et de violence enrayera tous les problèmes auxquels font face les adolescents d’aujourd’hui? Elle est là, la solution? Je ne suis pas de cet avis. Je crois que notre rôle d’intervenant et de parent est de profiter de ces œuvres au sujet tabou pour aborder ces sujets avec eux. La beauté du cours de français est justement ici à mon avis. Les œuvres d’aujourd’hui n’hésitent pas à amener une foule de sujets sur la table. Avant de lire Ma vie ne sait pas nager, pourquoi ne pas traiter du suicide avec les élèves : que connaissez-vous de ce sujet? est-ce une solution à votre avis? pourquoi pourrait-on en venir à choisir cette option? Par la suite, laisser aux élèves le soin de lire le roman (ou le lire avec eux!) et être ouvert à en discuter pendant la lecture. Après la lecture, revenir avec eux sur le roman : quelles émotions avez-vous ressenties? quelles ont été les conséquences de cette décision? quelles auraient pu être les autres solutions? Vous pourrez par le fait même présenter les différentes solutions qui s’offrent à eux, les différentes campagnes sur le sujet et un réseau d’œuvres sur celui-ci. Et le même genre d’exercice peut être réalisé pour chacune des œuvres au sujet tabou…
Je ne crois pas qu’en empêchant les jeunes lecteurs de lire ce qui les rejoint vraiment on règlera tous les problèmes. Ce n’est pas en censurant les œuvres qu’on retrouve dans nos bibliothèques scolaires qu’on empêchera les jeunes d’avoir accès à ce qui les intéresse. Si c’est ce genre d’œuvres qui les accroche, c’est qu’il y a peut-être une raison, vous ne croyez pas? Alors pourquoi ne pas profiter de cette motivation qui les allume pour les faire lire et les faire discuter? Notre but n’est-il pas de faire des citoyens éclairés?
Donc oui, je lirai Treize raisons, Eux, Ma vie ne sait pas nager, L’enfant mascara, Trois carrés de chocolat, Le sexy défi de Lou Lafleur et toutes ces œuvres au sujet controversé à vos adolescents. Et non, je n’en serai pas désolée.
Quelle que soit votre opinion sur le sujet, j’ai envie de vous lire. Feriez-vous lire ces œuvres au sujet tabou à des lecteurs adolescents?
Commentaire plate : on dit « j’ai partagé avec vous », et non pas « je vous ai partagé ». Pour une explication plus détaillée, je vous invite à consulter l’article « partager » de la Banque de Dépannage Linguistique de l’OLF. La qualité de la langue, c’est important quand on travaille dans les médias écrits. Ils sontaient, ils se marissent, je m’assis pis je me partage…tsé?
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Merci pour la correction! Je prends cela en note et modifie le tout.
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