Entrevue avec Marie-Jeanne Chaplain-Corriveau

Après avoir lu le roman Les chroniques de Navämgard, j’ai tout de suite voulu en savoir plus sur le monde ô combien inconnu, mais beaucoup trop jugé des GNs et de Donjons et Dragons. Je vous invite à lire cette entrevue réalisée avec l’autrice du roman.
Les personnages de ton roman, notamment celui de Chloé, sont parfois gênés d’affirmer leur passion pour les GNs et Donjons et Dragons. Était-ce ton cas au début ?
J’ai la chance de ne jamais avoir été gênée de parler de mes passions, quelles qu’elles soient. Par contre, j’ai toujours eu conscience de la difficulté que rencontraient d’autres personnes à le faire et c’est pour cette raison qu’il était primordial pour moi que je les représente dans ce livre.
Que réponds-tu à quelqu’un qui dénigre les GNs ?
Mon premier réflexe lorsque je croise quelqu’un qui dénigre les GNs est de leur demander s’ils en ont déjà fait. Souvent, ceux qui dénigrent les GNs, et même d’autres activités plus « marginales », le font sans comprendre lesdites activités, en se basant uniquement sur leur perception extérieure de ces celles-ci. Or, il est difficile d’avoir un débat constructif sur quelque chose que l’on ne comprend pas, voire que l’on ne veut pas comprendre.
Si une personne attaque les GNs sans les connaître, je cherche donc à savoir d’où lui viennent ses préjugés, afin de pouvoir les déconstruire et les décortiquer.
Si une personne connaît les GNs et ne les aime pas, alors là, c’est une tout autre discussion, car, comme pour toute chose, ce qui plaît à l’un ne plaira pas nécessairement à l’autre et je conçois tout à fait que les GNs, comme n’importe quel autre loisir, ne soient pas universellement appréciés.
Pourquoi était-ce important pour toi de démystifier ce passe-temps peu connu ?
Il était important pour moi de démystifier les GNs parce que je trouvais que, contrairement à d’autres activités « marginales », les GNs ne rendaient pas bien à l’écran, LE média qui démarginalise les choses en ce moment. Les GNs, quel que soit l’angle d’approche, rendent effectivement plus ou moins bien à la caméra ; ils ont toujours cette allure un peu étrange et déconnectée de la réalité qui est à l’origine de certaines des moqueries qui l’affligent. Comme j’écris depuis longtemps et que j’ai une expérience concrète des GNs (je suis GNiste depuis 12 ans cette année), j’ai pensé qu’écrire un roman qui les mettrait en scène, les vrais GNs, sans intervention magique ou véritable drame (comme cela se voit en littérature américaine, entre autres) serait peut-être le meilleur moyen de présenter ce loisir.
Que conseillerais-tu à quelqu’un qui voudrait s’initier à Donjons et Dragons ou aux GNs ?
De ne pas avoir peur de se lancer ! Je sais, c’est plus facile à dire qu’à faire pour beaucoup, mais c’est vraiment le premier pas à franchir qui est « le pire ». Mon conseil est donc de se trouver un endroit ou des personnes qui faciliteront l’initiation, qui rendront ce premier pas plus facile, moins angoissant.
S’il y a un club de jeux à l’école ou dans la ville, il peut s’agir d’un bon endroit où rencontrer des gens qui seront peut-être intéressés à découvrir D&D ou ses variantes (car il a BEAUCOUP d’univers et de système de jeux qui reprennent le modèle établi par D&D – D&D est le classique, mais pas l’unique !) Sinon, certains magasins de jeux de société peuvent permettre de rencontrer d’autres joueurs avec qui former un groupe de jeu, que ce soit grâce aux soirées de jeu sur place ou au babillard installé dans l’entrée de certains de ces magasins.
Pour ce qui est des GNs, trouver une activité qui nous semble intéressante, qui nous correspond en tant que joueur, est, selon moi, la première étape. Le site Web http://www.calendriergn.ca/ répertorie beaucoup d’événements québécois et permet même de les filtrer selon leur emplacement, leur univers de jeu et même selon certaines règles de base. Ensuite, je recommande d’entrer en contact avec la communauté du jeu choisi si cela est possible – de cette manière, on brise la glace et on arrive souvent même à se trouver des compagnons de jeu avant même le début de celui-ci !
Il existe aussi plusieurs pages Facebook à partir desquelles il est possible de se trouver un groupe de jeu, un GN, et aussi du matériel usagé (costumes, armes) pour se lancer à peu de frais !
Parle-nous du processus d’autopublication : quelles étapes as-tu dû suivre ? Quelles étaient les plus difficiles ? Est-ce que cela en a valu la peine ? Pourquoi avoir choisi l’autoédition ?
La raison pour laquelle j’ai choisi l’édition indépendante est que je recevais d’excellents commentaires de la part des maisons d’édition pour Les Chroniques de Navämgard, mais qu’on refusait de me publier pour diverses raisons, dont le sujet trop pointu, destiné à un public trop restreint. Comme j’avais quelques connaissances sur le fonctionnement de l’édition (j’ai été publié de manière traditionnelle par le passé) et que j’avais déjà fait des recherches sur l’édition indépendante, j’ai décidé de me lancer – je savais que mon public existait et qu’il n’y avait rien sur le marché qui ressemblait à ce que je pouvais lui offrir. J’étais prête travailler pour le trouver, et lui offrir mon histoire.
La première étape pour moi a été de m’entourer de gens professionnels pour mener mon projet à bien. Mon texte était terminé et avait déjà été soumis à un comité de premiers lecteurs diversifiés, alors quand j’ai décidé de me lancer, j’étais vraiment rendue à l’étape de la production. L’autopublication est souvent mal perçue, car elle n’est pas professionnelle ou qu’elle est faite à la va-vite, entièrement par l’auteur – je voulais éviter de tomber dans ce piège et je savais que j’allais avoir besoin d’aide pour parvenir au résultat désiré. Je suis une auteure, capable de faire un minimum de design graphique, mais je ne suis ni correctrice ni infographiste, et même si je l’étais, je pense qu’un œil extérieur est souvent plus aiguisé et critique que celui du créateur original.
Après avoir formé mon équipe, j’ai donc supervisé les différentes étapes de la création d’un livre papier – correction, approbation des corrections, création de la page couverture, mise en page du texte et de la page couverture, correction de la mise en page (qu’on appelle correction d’épreuves), approbation de la correction d’épreuves, impression (qu’on appelle le tirage du livre).
L’étape que j’aime le moins de ce processus, parce qu’elle est pour moi la plus longue et la plus exigeante mentalement, est l’approbation des corrections. Pour moi, c’est le dernier moment où je peux encore ajuster mon texte, alors je m’oblige à le relire à haute voix au complet pour que tout y soit à mon goût.
J’adore par contre créer la couverture du livre – dans le cas des Chroniques, j’ai imaginé (et testé) plusieurs concepts avant de m’arrêter sur celui choisi, et j’ai moi-même pris les photos qui ont servi de base aux images du livre.
Mais, autant en édition indépendante qu’en édition traditionnelle, la publication du livre n’est que la première étape de la vie de ce dernier et il faut ensuite se consacrer à sa promotion si on veut lui trouver des lecteurs. Un des plus grands problèmes de la publication indépendante est l’absence d’un réseau de diffusion (faire connaître le livre) et de distribution (acheminer le livre où il faut). Dans mon cas, j’ai pris le pari de faire des apparitions lors de différents événements où je savais que je croiserais mon public cible, soit les geeks et leur entourage, afin de me faire connaître. Jusqu’à présent, c’est exigeant physiquement, mais ça marche, alors je ne me plains pas !
Je crois donc que l’édition indépendante a valu la peine pour moi (je vais bientôt avoir trois livres publiés de cette manière). J’étais toutefois bien préparée par rapport à ce qu’impliquait une telle entreprise, tant au niveau du travail que de l’investissement monétaire, alors je dirais que ce n’est pas une avenue de publication que je recommanderais à n’importe quel auteur, ni pour n’importe quel texte.
Pour les curieux et curieuses, vous pouvez lire les premiers chapitres de son roman en cliquant juste ici!